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ESCALIERS ( Céline )

Indisponible
Réf 2195
Très profondément affecté par sa relation avec Céline
dont elle tira un roman, Escaliers, Evelyne Pollet explique
ainsi le comportement de Céline avec les femmes:
"Céline attirait les femmes d'une main et les repoussait de
l'autre, dans sa farouche horreur d'être possédé. "

De Marc Laudelout :

Bloc-notes, Juillet 2005

Évelyne Pollet est décédée, centenaire, le 10 février dernier. Je l'ai appris tout récemment, alors même que sa disparition fut annoncée dans le Journal télévisé belge. On imagine bien pourtant qu'on y fit plus de place au dramaturge Arthur Miller, mort le même jour.
Son amour impossible pour Céline fut la grande affaire de sa vie, et même au-delà, puisque si on s'intéresse aujourd'hui à elle, c'est précisément en raison de cette relation qu'elle évoqua, de manière romancée, dans un livre connu de tous les céliniens ¹.
À plusieurs reprises, je lui rendis visite dans son petit appartement de Boitsfort, commune verdoyante de Bruxelles. La flamme avec laquelle cette alerte octogénaire évoquait son grand homme m'étonnait à chaque fois. C'est qu'elle l'aimait manifestement toujours d'une manière intense. "Les yeux de cet homme dur avaient une extraordinaire expression de langueur, de confiance, d'appel." Belle phrase extraite de ce roman, dont elle commença la rédaction après une rupture douloureuse. On retiendra aussi ce portrait pénétrant:" Céline était un homme secret; mais il irradiait une ambiance qui dispersait les mensonges, tuait le simulacre. Avec lui, on cessait de tenir la vie à bout de bras, pour la regarder de près. Il était tout le temps à l'affût de la vie. Il était la vie elle-même".
C'est avec une sorte de résignation souriante qu'elle accueillait les visiteurs, toujours un peu désappointée qu'on s'intéressât à elle à travers Céline et non pour elle-même. L'amertume était bien présente aussi lorsqu'elle évoquait sa carrière littéraire "ratée" qu'elle comparait à celle de sa belle-sœur, Marie Gevers, qui avait, selon elle, l'entregent qui lui faisait défaut.
J'aimais son franc-parler qui lui faisait affirmer ceci: "Je ne dirai jamais assez qu'en écrivant ses pamphlets, Céline avait l'impression très forte de commettre un acte dangereux et qui lui attirerait mille ennuis, au lieu de s'abaisser à une lâcheté, comme tout le monde le lui reproche". Ce qui ne l'empêchait pas de préciser: "Je n'aimais pas ces pamphlets. Ils me semblaient excessifs, un peu enfantins, et me décevaient pour tout dire" ² .
Évelyne était assurément un personnage. Forte et écorchée vive à la fois, rude dans certains de ses jugements et si sensible en même temps, marquée à jamais par la mort prématurée de son fils, le comédien Ivan Dominique, qu'elle a mis tant d'années à rejoindre.

M. L.

Notes
1. Escaliers [Bruxelles], La Renaissance du Livre, 1956, 202 p.
2. Lettres du 11 juillet et du 7 août 1976 à Henri Thyssens. Extraits cités dans le ouvrages Tout Céline [Liège], n° 14, juin 1982, pp. [4]-[5].



C'est grâce à son amie Jeanne Augier que la disparition d'Évelyne Pollet fut annoncée dans le Journal télévisé. On relira son témoignage, "Rencontre avec Évelyne Pollet" (Le Bulletin célinien, n° 229, mars 2002). L'entretien filmé qu'elle réalisa en 2003 avec feu Gérard Valet n'a pas encore été diffusé à ce jour.
La correspondance de Céline à Évelyne Pollet a été éditée en 1963 dans les Cahiers de l'Herne. Une édition, revue, corrigée et préfacée par Henri Thyssens, est disponible depuis 1979 dans les Cahiers Céline, n° 5 (Éd. Gallimard). Le texte "Céline et l'Escaut", publié en 1937 dans l'hebdomadaire Cassandre, a été repris dans Le Bulletin célinien (n° 195, février 1999).
Tous les livres d'Évelyne Pollet sont épuisés mais on en trouve encore quelques uns chez les bouquinistes : La Bouée (1926), La Maison carrée (1938, avec une préface de Marie Gevers), Primevères (1942), Corps à corps (édition belge du précédent, 1943), Un Homme bien… parmi d'autres personnages (1942), Fumée de Darlington (1943), Grandes vacances en Angleterre (1945), Escaliers (1956), L'Abîme (1964).
Philippe Alméras lui consacre plus de deux pages de son Dictionnaire Céline (Plon, 2004, pp. 690-692) et Christian Dedet l'évoque, en octobre 1962, dans son journal, Sacrée jeunesse (Éditions de Paris, 2003, pp. 419-420).
Un poème inédit qu'elle écrivit en 1958 fut publié dans le volume Tout Céline, 4 (Liège, 1987) :

À l'amant d'autrefois

Te voilà vieux. Et moi, je ne t'ai pas dit que je t'aimais.
Je ne t'ai rien dit, rien dit en somme,
Ni alors, ni plus tard. Je n'avouais jamais…

Tu vas mourir. Et moi, je ne serai pas près de ton lit,
À épier ton dernier regard d'homme,
À voir tes yeux de mort s'ouvrir sur l'Infini.

Reviendras-tu ? Et moi, pourrai-je enfin te sentir près
Et, sans témoin, sans nulle présence hostile,
Pleurant tout bas, dire que je t'aimais ?

Oh ! si tu meurs, indifférent, heureux, ne m'oublie pas,
Et qu'un moment la vie me soit facile
Parce que, fantôme, tu me tiens dans tes bras.







Evelyne Pollet
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