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Les Misérables HUGO Victor ‎- A. Lacroix , Verboeckhoven & Cie , Bruxelles 1862 - Véritable première édition ! Auxquels est joint : CHARLES HUGO LES MISÉRABLES EDITION ORIGINALE RELIÉE A L'EPOQUE 1863

Indisponible
Réf 7009
‎HUGO (Victor) Les Misérables. Bruxelles, Lacroix, Verboeckhoven & Cie; 1862. 10 volumes in-8, dem. reliures de percaline violine. Très bon exemplaire. Édition originale, de la plus insigne rareté. Légères rousseurs en début (env. 2 f. ) et en fin (idem env. 2 F.) sinon très beaux exemplaires avec leurs couvrures d'époque.
Les rousseurs d'oxydation sont en moyenne sur les 3 à 5 premières feuilles et les 3 ou 4 dernières, très peu affectant les cours des livres. Oxydations transmises par les cartonnages de couvertures. Pour un exemplaire comme celui-ci ce sont véritablement très peu de rousseurs. Rare.
Les bas de certaines photos font apparaître des zones d'ombres dues aux prises de vues, ombres portées des doigts, flous de réglages, etc....
Nous pouvons fournir d'autres photos sur demandes.
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Charles HUGO. Les Misérables. Chez Pagnerre, Lacroix et Verboeckhoven, Paris et Bruxelles 1863, in-8 (15,5 x 23cm), complet.
Reliure de l'époque en demi chagrin rouge, dos à quatre nerfs orné de filets dorés.
Edition originale de ce drame mis à la scène par Charles Hugo et Paul Meurice, dont l'histoire est largement inspirée par l'oeuvre de son père.
Légères rousseurs sinon très bel exemplaire.
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Juste pour notre mémoire de l'objet :


Wikipédia - "Les Misérables"
=====> https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Mis%C3%A9rables



Wikipédia - Le 15 avril 1861, Albert Lacroix créée la maison d'édition Librairie internationale A. Lacroix, Verboeckhoven, et Cie et décroche un soutien financier en 1862 de la filiale bruxelloise de la banque Oppenheim (Mécène et banquier), lui permettant d'acheter les droits d'édition des Misérables de Victor Hugo, interdit de séjour en France. Le succès international étant au rendez-vous, Albert Lacroix ouvre des succursales à Leipzig, Livourne puis à Paris, au 13 rue du Faubourg-Montmartre.
=====> https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Lacroix




HUGO Victor ‎‎Les misérables‎ :
‎" - A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, Bruxelles 1862, Fort in-8 (14,5x23cm), 10 tomes en 10 volumes reliés. - Véritable édition originale parue quelques jours avant celle de Paris, sans mention d'édition, ce qui est rare. Elle diffère quelque peu de l'édition parisienne, notamment par ses pages de titres en noir, et ses tables établies en 5 parties, détaillant deux tomes chacune. Reliures en demi percaline violine d'époque. Légères traces de frottement. Brunissures éparses, notamment au début de chaque tome, puis plus rares sur l'ensemble. Une bordure en partie dénudée sur le plat supérieur du dernier tome. Une signature sur quelques faux-titres. Bel exemplaire en demi maroquin d'époque. On affirmait autrefois que l'édition de Paris avait été censurée et qu'elle différait de l'édition belge ; on sait aujourd'hui qu'il n'en est rien, et que c'est Hugo qui a lui-même diffusé ces bruits ne pouvant croire qu'à Paris, certains passages ne seraient pas ôtés. - [AUTOMATIC ENGLISH TRANSLATION FOLLOWS] first edition published a few days before that of Paris, without edition statement. It differs somewhat from the Paris edition, including its pages in black titles, and tables established 5 parts, detailing two volumes. Brunissures scattered, especially at the beginning of each volume and more rare on the whole. Beautiful copy in contemporary percaline." "A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie" Bruxelles _1862 "Fort in-8 (14,5x23cm)" 10 tomes en 10 volumes reliés‎.
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English description :

About this Item

VICTOR HUGO'S LES MISÉRABLES. IN THE VERY RARE ORIGINAL WRAPPERS. 10 vols. octavo (235 × 150 mm.), pp. [11], 405, [1]; [7], 443, [1]; [9], 402; [7], 366; [9], 357, [3]; [7], 346; [9], 490; [7], 466, [2]; [9], 447, [1]; [7], 355, [1]. With an illustration in the text in vol. 4 and 2 pp. of publisher's advertisements at the end of vol. 5. In the original blue-grey printed wrappers. Photo of details on demand. Volume numbers in contemporary manuscript in blue chalk at the foot of each spine. A very good set. FIRST EDITION of Victor Hugo's Les Misérables, one of the great works of European literature, in the very rare original wrappers. With the original publisher's advertisement leaf announcing this as the first edition at the end of vol. 5. A remarkable survival, tall and uncut, with the wrappers very well preserved. THE TRUE FIRST EDITION The first edition, published in Brussels, appeared for sale on 31 March 1826; this was followed by an edition published by Pagnerre in Paris a few days later. The relative priority of these two editions was the subject of some debate, until, in 1930, Flavien Michaux definitively proved that the Brussels edition was first (see Michaux pp. 61-68, and Talvart & Place vol. 9 pp. 39-40). Hugo, working in exile in Guernsey, corrected the proofs of the Brussels edition, and the Brussels edition then served as the text on which the Paris edition was based. The publisher's advertisement leaf for Les Misérables at the end of vol. 5 (present in this copy) announces this as the first edition: "Seule édition originale et de propriété, imprimée avec grand soin sur beau papier cavalier in-8vo." The novel appeared in parts over successive months: 10 volumes in all, divided into five parts, each of two volumes, issued in blue-grey printed wrappers. In the present set volumes 1-6 and 10 have the title, part-title, volume numbers, and publisher's details printed on the wrappers. Volumes 7-9 have the title and publishers's details only printed on the wrappers, with the volume numbers partially written out in ink in a contemporary hand. It is not clear why the wrappers of these two volumes vary from those of the other volumes: they must either have been issued like this, or they are a variant form. Certainly all the volumes are bound as issued. So far there has been no analysis of the first edition bindings of Les Misérables, but this is perhaps understandable given that so few examples in wrappers appear to have survived. LITERATURE: Michaux, F. Essais Bibliographiques. Paris, 1930. Talvart, H. & Place, J. Bibliographie des auteurs modernes de langue française. Paris, 1935. Michaux pp. 61-68. Talvart & Place IX 59. Copies in the original wrappers are very rare on the market. ABPC (1975-2015) records only two examples at auction. The last copy in wrappers at auction that we can trace sold for 36,000 euros (Godts, 11/12/2012, wrappers chipped in places).

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https://www.rtbf.be/culture/arts/detail_bruxelles-commemore-les-150-ans-des-miserables-de-victor-hugo?id=7766606 :

En 2012 :
Bruxelles s'apprête à célébrer en mars les 150 ans de la publication des "Misérables" de Victor Hugo. L'épopée de Jean Valjean et de Cosette, pourchassés par l'inspecteur de police Javert, a en effet été publiée le 30 mars 1862 à Bruxelles.Pour commémorer l'évènement, des expositions, projections de cinéma, conférences, banquets, pièces de théâtre, guides de voyages, parcours culturels et touristiques se dérouleront à Bruxelles tout au long de l'année 2012.

"Victor Hugo a tissé une histoire d'amour de 34 ans avec la Belgique et est un trait d'union entre cette dernière et la France. Bruxelles a joué un rôle romanesque, social et réaliste est connu aux 4 coins du monde et le succès ne s'est jamais démenti. Victor Hugo est venu à Bruxelles pour la première fois en 1837, pour un séjour touristique, et y est revenu 15 ans plus tard, comme réfugié politique après le coup d'Etat de Napoléon III. Enfin, son appel à la création des Etats-Unis d'Europe qui était à l'époque une utopie, est étroitement lié à la relation qu'il entretenait avec Bruxelles", a rappelé mardi Michèle Boccoz, ambassadeur de France en Belgique.
De la littérature à la gastronomie, de nombreux événements sont programmés pour le 150ième anniversaire des "Misérables". Le programme complet de cette année de commémorations se trouve sur le site www.lesmiserables150.be
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http://www.lalibre.be/culture/medias-tele/lacroix-l-editeur-belge-des-miserables-51b8f1a5e4b0de6db9c80ce7 :

Dira-t-on jamais assez l’influence incalculable qu’exerça sur ses innombrables lecteurs du monde entier, au fil des décennies (puis via près de cinquante adaptations cinématographiques), le bouleversant roman de Victor Hugo "Les Misérables" ? Qui, d’entre nous, n’en connaît les personnages si bien campés que sont Jean Valjean, Cosette, l’affreux Javert ou le généreux Mgr Myriel ? C’est sur un aspect précis de ce monument de la littérature universelle (à même hauteur que les sommets de Tolstoï) que se penche, pendant quelques minutes, le magazine C’est du belgeH H, ce soir sur La une.

C’est, en effet, à Bruxelles que parut d’abord le plus célèbre roman d’Hugo (avec "Notre-Dame de Paris"), par les soins du jeune éditeur Albert Lacroix (qui avait Hippolyte Verboeckhoven pour associé), qui signa au gigantesque poète romantique un contrat en or. L’arrière-arrière petit neveu de Lacroix évoque cet événement littéraire: "Les Misérables" parurent en 1862 et, pour en fêter le lancement (et l’immédiat succès), fut organisé, le 16 septembre de cette année-là, un fantastique festin immortalisé par la photographie. Tout récemment, à Bruxelles, ce mémorable banquet fut recréé, pratiquement à l’identique. Mais pourquoi ces "Misérables" publiés chez nous ? Parce que Hugo vivait en exil depuis 1851, ayant fui son pays au lendemain du coup d’Etat (de Napoléon III) du 2 décembre. Le poète passera d’abord quelques mois à Bruxelles puis s’établira dans les îles anglo-normandes : à Jersey de 1852 à 1855, puis à Guernesey jusqu’en 1870, année de son retour en France après l’abolition du Second Empire.

Albert Lacroix deviendra aussi l’éditeur de Zola, de Charles De Coster, de Proudhon, de Lautréamont. Mais, au moment de la publication d’une autre œuvre d’Hugo (terrifiante, celle-là), "L’Homme qui rit", les deux hommes se brouilleront. Le chantre de "La Légende des siècles" s’adressera même dans ses lettres à Lacroix en commençant par l’amère formule "Monsieur et ancien ami"

Ce bref reportage, instructif et divertissant à la fois, nous permet de (re)découvrir "Hauteville House", la superbe maison qu’acheta Hugo à Guernesey : là, dans son atelier sous le ciel d’où du regard il embrassait la mer, il écrivait debout, ainsi que le fera aussi Henri Troyat. Et il est ici rappelé qu’Albert Lacroix, devenu fortuné, acquit des terrains à Saint-Enogat, près de Dinard, sur la Côte d’Emeraude, et transforma la localité en station balnéaire. En 1880, un boulevard fut débaptisé pour désormais porter le nom de notre compatriote. Nom indissociable à jamais d’un des romans les plus aimés du monde.

Fr. M.

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Vente Christies en 2012 :

http://www.christies.com/lotfinder/Lot/victor-hugo-les-miserables-bruxelles-a-lacroix-5543893-details.aspx

VICTOR HUGO. Les Misérables. Bruxelles: A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1862.
Price realised - EUR 61,000
Estimate EUR 1,200 - EUR 1,800

VICTOR HUGO. Les Misérables. Bruxelles: A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1862.

10 volumes in-8 (235 x 153 mm). (Rousseurs éparses.) Brochés (volumes débrochés, dos fendus et couvertures salies. Manque la quatrième de couverture du tome II).

ÉDITION ORIGINALE DE CE CHEF-D'OEUVRE DE VICTOR HUGO ENRICHI D'UN ENVOI AUTOGRAPHE SIGNÉ "V": "Pour toi, chère et bien chère amie. H[auteville] H[ouse] 1862".
Comme Les Contemplations, ce texte parut simultanément à Bruxelles et à Paris chez Pagnerre. "Pagnerre n'était, en somme, à Paris, que le dépositaire de l'ouvrage dont les éditeurs réels étaient A. Lacroix, Verboekhoven et Cie. Dans cette édition belge se trouvent un certain nombre de phrases qui, ayant paru dangereuses pour la France, ont été modifiées dans l'édition française" (Vicaire). Vicaire, citant Paul Meurice, précise que "c'est toujours l'édition française qui doit être considérée comme l'édition originale, Victor Hugo ne corrigeant que les épreuves de cette édition". Selon Clouzot, l'édition belge aurait été publiée quelques jours avant la française. EXEMPLAIRE À GRANDES MARGES, BIEN COMPLET DES FAUX-TITRES. Carteret Romantique I, 421; Clouzot 91-92; Vicaire IV, 328. (10)
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Victor Hugo et l’image de la Belgique, ou l’inverse

Nicole Savy, musée d’Orsay

Les écrivains français de la seconde moitié du XIXème siècle vont en Belgique parce que Bruxelles est près de Paris, parce qu’on y parle français et qu’on y aime la littérature française et la France, parce qu’il s’y imprime énormément de livres - je laisse de côté la question de la contrefaçon et son règlement conventionnel de 1852. Ils vont en Belgique parce que ce pays est à la fois le même, croient-ils, et un autre. Ils y vont enfin, et peut-être surtout, parce qu’ils se représentent la Belgique comme une terre de liberté :

Asile pour les proscrits républicains du Second Empire comme pour bien d’autres proscrits plus tard, et de toutes opinions politiques ; lieu de fuite pour des marginaux en rupture d’ordre moral comme Verlaine et Rimbaud.
Pour ces Français constamment traumatisés par leurs révolutions, leurs coups d’état, l’instabilité politique et les mouvements vertigineux qui traversent le siècle, la Belgique est une province tranquille, ennuyeuse peut-être, accueillante en général, avec ce piment très particulier qu’elle s’offre à la caricature, c’est-à-dire à l’exercice tranquille, ou haineux, c’est selon, de la xénophobie, tradition bien française et méchante façon de remercier qui vous accueille. Ajoutons les souvenirs dorés de la Flandre espagnole, miroir d’une grande tradition picturale qui est à peu près tout ce que les Français ont retenu du passé. Cette image brossée à grands traits omet l’essentiel, c’est que la Belgique a été française de 1795 à 1814, et que l’Etat belge vient de naître en 18301, à la faveur d’une révolution qui a mis en place un régime monarchique parlementaire, soucieux des libertés publiques : mélange inédit en France, du moins dans une forme durable, et qui fascine nécessairement les enfants de la Révolution française.

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Victor Hugo et la Belgique : chronologie sommaire

Victor Hugo fut l’un des premiers écrivains et poètes français2 à faire le voyage de Belgique, en 1837 : une de ces escapades d’été, amoureuses, touristiques et poétiques, dont il avait donné l’habitude à Juliette Drouet. Juliette connaissait un peu la Belgique : elle avait commencé sa - brève - carrière de comédienne à Bruxelles3. Nul ne se doutait alors que la Belgique devait tenir en fait dans la vie de Victor Hugo, de son entourage et pour ses livres le rôle de patrie de substitution, pendant de longues années, quittant la catégorie du tourisme littéraire pour entrer peinement dans sa destinée. L’affaire se termina mal ; la Belgique n’en avait pas moins été pour le poète une seconde mère, face au rocher sauvage de la légende, qui l’accueillit pour un exil de plus en plus solitaire.
Les faits sont connus, et je me bornerai à les rappeler rapidement. L’été 1840, le voyage vers le Rhin débute par un deuxième passage en Belgique, par la vallée de la Meuse et par la découverte de Liège. On en trouve le récit dans Le Rhin, en 1842. Le troisième voyage est celui du proscrit : le 12 décembre 1851, avec un passeport au nom de Jacques Firmin Lanvin, ouvrier, Victor Hugo est à Bruxelles, heureux au moins d’être sorti vivant de la chasse de la police française. Le 28 janvier 1852, le roi Léopold refuse l’expulsion demandée par Louis Bonaparte, qui par ailleurs a dû envoyer à Hugo des émissaires chargés de négocier les conditions de son retour. Fin de non-recevoir, et double échec pour l’ennemi contre lequel Hugo ne se cache pas d’écrire avec acharnement. Cette fois les autorités belges s’inquiètent, par la voix amicale mais ferme du bourgmestre Charles de Brouckère. Contre l’avis de ses compagnons de proscription, le poète décide de partir4. Dîner d’adieu des proscrits le 29 juillet 1852, départ d’Anvers pour Londres le 1er août. Le jour où Hugo arrive à Jersey, Napoléon le Petit est publié à Bruxelles chez Hetzel. Alexandre Dumas raconte qu’on fait passer en France des exemplaires du livre dans les bustes du prince-président...
Les relations belges de Victor Hugo ne s’interrompent pas pour autant. De Jersey jusqu’en 1855, puis de Guernesey, il est en correspondance avec ses amis et surtout ses éditeurs de Bruxelles, comme Henri Samuel et Albert Lacroix, qui jouent un rôle crucial dans la publication des oeuvres des années d’exil, et qui sont les vecteurs indispensables de cette voix hugolienne qu’on entend, désormais, dans l’Europe entière, voire dans le monde entier: ce sont Châtiments le 21 novembre 1853, Les Misérables simultanémént à Bruxelles et à Paris le 3 avril 1862 pour la première partie. Mais aussi Les Contemplations (1856), La Légende des siècles (I, en 1859), les Chansons des rues et des bois (1865), Les Travailleurs de la mer (1866), L’Homme qui rit (1869), avec ce même système de publication simultanée à Bruxelles et à Paris, et les mêmes éditeurs, Samuel, Hetzel et la maison Lacroix-Verboeckhoven en Belgique. Qu’on ne croie pas que la Belgique est pour Victor Hugo un pavillon de complaisance : rien n’est plus important pour lui que ses livres, et le lieu de leur naissance est pour lui sacré.
Les retrouvailles physiques avec la Belgique ont lieu en 1861, à l’occasion de la rédaction des Misérables et du récit de Waterloo. Victor Hugo y séjourne et y travaille de mars à septembre, termine son roman le 30 juin sur le champ de bataille, à Mont-Saint-Jean, lieu idéal pour une grande méditation historique et européenne. Le 16 septembre 1862, les libéraux belges et les républicains français organisent à Bruxelles un mémorable banquet des Misérables. Période glorieuse, mais dans pareil tourbillon de visiteurs qui forcent sa porte, de courrier et de demandes, le poète se plaint de ne plus pouvoir travailler. Il se fixe un emploi du temps annuel régulier : désormais, il se repose de son année de « tête à tête avec le travail et l’océan »5 par un été belge6 de trois bons mois, en passant toujours par Bruxelles où la famille Hugo, qui a pris Guernesey en horreur, est installée. C’est là que Victor marie Charles, en 1865, c’est là que naît Georges et que meurt Adèle Hugo, en 1868 - elle voulait être enterrée à Villequier, près de Léopoldine, et l’exilé accompagne le cercueil de sa femme jusqu’à la frontière française -, c’est là enfin que naît Jeanne en 1869. Le retour d’exil passe aussi par la Belgique : le 5 septembre 1870, c’est par le train Bruxelles-Paris que Victor Hugo revient en France, en même temps que la République. Ce grand amateur de symboles aime à rentrer par où il est parti.
Il revient une dernière fois, au printemps 1871. Il sort brisé d’une année terrible : le siège de Paris, l’expérience amère de l’assemblée constituante de Bordeaux, la mort foudroyante de son fils Charles, la guerre civile qui ensanglante Paris. Le gouvernement belge, contre la tradition hospitalière qui a toujours prévalu, refuse tout asile aux Communards. Victor Hugo, pour son compte personnel, désapprouve la Commune de Paris presque autant que la répression versaillaise, mais considère que l’hospitalité est chose sacrée. C’est alors que l’Indépendance belge publie la lettre dans laquelle il offre asile, chez lui, à Bruxelles, place des Barricades, aux Communards qui fuiraient la France. La nuit qui suit - le 27 mai - la maison est attaquée par une bande de factieux, qui tentent de l’assassiner. La police belge se garde d’intervenir, aucune enquête judiciaire n’est ordonnée7. Le 30 mai, malgré de violentes protestations au Sénat et à la Chambre, le roi Léopold II signe l’arrêté d’expulsion de cet hôte décidément encombrant, qui s’exile au Luxembourg et ne reviendra plus dans ce pays qu’il connaît depuis trente quatre ans. La Belgique a offert l’asile à Victor Hugo, mais pas le droit de l’offrir lui-même. En prime, et parce que les divorces se font rarement dans l’élégance, une lamentable accusation de vol de tableaux est lancée contre son fils François-Victor8.

Un pays de passage
Au temps des voyages de la monarchie de Juillet

Je ne prétendrai pas ici, en si peu de temps, faire le tour de la question des rapports entre Victor Hugo et la Belgique. Il faudrait examiner successivement des problèmes très différents, de la géographie des paysages à l’archéologie médiévale, de la modernité industrielle à l’histoire des nations européennes, de l’histoire de l’édition à l’histoire littéraire proprement dite. Plus étroitement je souhaite m’interroger sur l’image de la nation belge construite par Victor Hugo, image qui s’est bien entendu modifiée au cours des années pour devenir à la fois plus nette - au fur et à mesure qu’il apprend à la connaître - et plus problématique, voire contradictoire. Et, en même temps, tâcher de comprendre l’usage qu’il fait de cette image aux fins qui sont les siennes, c’est-à-dire du point de vue de sa pensée politique9, étant entendu qu’il en fait, comme du reste, un usage positif. Usage positif pour lui, pas pour la Belgique qu’il s’approprie de façon radicale.
La première fois qu’il en parle, c’est sans l’avoir vue. Quand Notre-Dame de Paris est publié, la Belgique a un an d’existence. C’est dire que l’écriture du roman est contemporaine de la double révolution de 1830, la française et la belge, qui ont en commun d’avoir été dirigées par les libéraux, au nom des libertés et en particulier de la liberté de la presse, laissant finalement de côté ceux qu’on appelle, au XIXème siècle, le peuple. Or le roman de Victor Hugo s’ouvre, au Palais de Justice de Paris, sur l’arrivée des ambassadeurs flamands « chargés de conclure le mariage entre le dauphin et Marguerite de Flandre »10. Mais les festivités officielles et populaires s’interrompent avant de commencer : elles dégénèrent en élection grotesque d’un pape des fous, sous l’impulsion de maître Jacques Coppenole, chaussetier à Gand et membre de l’ambassade, qui jette à la figure du cardinal de Bourbon ses origines plébéiennes et obtient immédiatement le soutien enthousiaste du peuple de Paris. Au milieu des bourgmestres et des échevins flamands, Coppenole le scandaleux signifie l’irruption du peuple : cela vaut ouverture pour l’ensemble du roman, où le peuple va se lancer à l’assaut de sa cathédrale. Mais c’est aussi la première image que l’on trouve, chez Victor Hugo, de la Belgique, un pays de pouvoirs locaux et bourgeois, d’une bourgeoisie encore trop rustique et d’origine trop populaire pour avoir ôté au peuple le droit à la parole, ce que la monarchie centralisée et l’aristocratie françaises avaient eu tout le temps d’accomplir. On peut admirer cette première image, qui s’exempte de tout pittoresque banal sur la Flandre pour poser d’emblée une question historique cruciale.
Le voyageur de 1837 poursuit ces réflexions sur la nature des pouvoirs en Belgique. Pour ce faire, il part de l’observation, qu’il affectionne et qui occupe une bonne part de ses lettres de voyage et de ses dessins, du patrimoine architectural, en particulier médiéval. « On ne rencontre dans ce pays ni manoir, ni donjon, ni châteaux. On voit que c’est le pays des communes et non des seigneurs, des bourgeois et non des châtellenies. En revanche il y a partout des hôtels de ville, charmantes fleurs de pierre que le quinzième siècle surtout a fait épanouir avec splendeur au milieu des villes. »11 Manière très hugolienne, et systématique, de lire le paysage comme un livre d’histoire et de donner un sens présent à ce qui est ancien, ces dentelles de pierre du gothique tardif qui disent ce que la nation belge doit à son histoire flamande. Pour le voyageur français habitué aux traces architecturales omniprésentes de la féodalité, la différence est saisissante.
Sans passé féodal visible, la Belgique n’observe pas la hiérarchie des états, pas plus que l’ordre classique. Les hiérarchies du genre et du goût sont perturbées pour les hommes comme pour les édifices. Voici la description que donne Victor Hugo de la cour du palais des princes ecclésiastiques de Liège :

« Ce grave édifice est aujourd’hui le palais de justice. Des boutiques de libraires et de bimbelotiers se sont installées sous toutes ses arcades. Un marché aux légumes se tient dans la cour. On voit les robes noires des praticiens affairés passer au milieu des grands paniers pleins de choux rouges et violets. Des groupes de marchandes flamandes réjouies et hargneuses jasent et se querellent devant chaque pilier ; des plaidoiries irritées sortent de toutes ces fenêtres ; et dans cette sombre cour, recueillie et silencieuse autrefois comme un cloître dont elle a la forme, se croise et se mêle perpétuellement aujourd’hui la double et intarissable parole de l’avocat et de la commère, le bavardage et le babil. »12

Parole bourgeoise et parole populaire, encore une fois. On mesure ici toute la sympathie du poète romantique pour le traitement irrespectueux, subversif, du bâtiment épiscopal, remis à la justice laïque et au commerce : le démolisseur des hiérarchies classiques ne pouvait qu’apprécier en connaisseur. Mais ce détournement de bâtiment se fait sans scandale, avec bonhommie ; nul ne s’indigne, et les classes sociales cohabitent dans la paix. Apparaît là un des traits spécifiques de la Belgique, peut-être ce que Baudelaire haïra le plus, et qui fait précisément que Hugo s’y sent bien. Trait difficile à nommer : le caractère patriarcal, provincial des rapports sociaux ? Ce Victor Hugo qui a été l’ami du cardinal de Rohan avant de devenir l’ami de Louis-Philippe, qui va devenir pair de France, académicien et sénateur, montre un goût inaltérable pour une société conçue sur le modèle familial et bourgeois. On sait qu’il deviendra une des figures fondatrices de ce modèle au cours du siècle, sinon en tant qu’époux du moins en tant que grand-père, personnage dont il est rigoureusement l’inventeur. La question est plus sérieuse qu’il n’y paraît : c’est aussi ce qui va le border, sur sa gauche, et l’éloigner des socialistes prolétariens. Une horreur viscérale de la violence, une sorte d’évangélisme que Les Misérables et Quatrevingt-Treize mettront en débat. Dans les années de la monarchie de Juillet, Victor-Marie, comte Hugo, n’est pas encore devenu républicain, loin de là : mais la question sociale obsède déjà celui qui va se mettre, bien avant la révolution de 1848, à rédiger le roman qui deviendra Les Misérables. Or la Belgique offre une réponse provisoirement satisfaisante à son exigence d’humanité dans le gouvernement des rapports sociaux. Reste la misère, à éradiquer, visible en Belgique comme en France.
Pays de la réconciliation sociale, la Belgique apparaît aussi à Victor Hugo comme le pays de la réconciliation du passé et de l’avenir, de l’histoire et de la modernité. La même lettre du Rhin nous dit :

« Liège est encore, au dix-neuvième siècle comme au seizième, la ville des armuriers (...) Mais la vieille cité de Saint-Hubert, jadis église et forteresse, ne prie plus et ne se bat plus ; elle vend et elle achète. C’est aujourd’hui une grosse ruche industrielle. Liège s’est transformée en un riche centre commercial. »

C’est bien en Belgique que Hugo, qui se définit lui-même comme « antiquaire », comme on disait au XIXème siècle, et qui est facilement « hérissé devant les manufactures, les mécaniques et les usines »13, surtout quand elles entraînent la destruction du patrimoine architectural ancien, est saisi pour la première fois par la beauté d’un paysage industriel, celui des hauts-fourneaux de la vallée de la Meuse, dont la description convoque de sombres images romantiques.

« Cependant le soir vient, le vent tombe, les prés, les buissons et les arbres se taisent, on n’entend plus que le bruit de l’eau (...) C’est dans ce moment-là que le paysage prend tout à coup un aspect extraordinaire. Là-bas, dans les futaies, au pied des collines brunes et velues de l’occident, deux rondes prunelles de feu éclatent et resplendissent comme des yeux de tigre. Ici, au bord de la route, voici un effrayant chandelier de quatre-vingt pieds de haut qui flambe dans le paysage et qui jette sur les rochers, les forêts et les ravins des réverbérations sinistres. Plus loin, à l’entrée de cette vallée enfouie dans l’ombre, il y a une gueule pleine de braise qui s’ouvre et se ferme brusquement et d’où sort par instants avec d’affreux hoquets une langue de flamme. »14

Que l’on songe à l’étonnante conversion anthropologique et esthétique qu’il fallut opérer pour trouver, en 1840, de la beauté à l’enfer de ces usines, ces monstres que le poète décrit avec une palette sauvage contemporaine de celle de Delacroix. Mais la découverte des chemins de fer et de la vitesse, également effectuée en Belgique, fait passer Victor Hugo d’un regard purement poétique sur la modernité industrielle à une appréciation plus fonctionnelle des choses. Je ne veux pas reprendre ici le cliché de quelque « terre de contrastes » mais montrer que c’est là qu’il découvre le caractère composite du présent. La Belgique n’est pas tant un lieu de conciliation que de circulation, de passage, au plein sens du terme, passage entre les hommes, passage entre le passé et l’avenir. Victor Hugo voit là l’histoire se faire, non pas l’histoire événementielle, mais l’histoire des sociétés, de leurs abandons et de leurs progrès.
C’est aussi le passage entre le sud et le nord, le passage de l’Europe. Le souvenir de la Flandre est investi par le fantôme espagnol :

« J’aime le carillon dans tes cités antiques,
O vieux pays gardien de tes moeurs domestiques,
Noble Flandre, où le Nord se réchauffe engourdi
Au soleil de Castille et s’accouple au Midi !
Le carillon, c’est l’heure inattendue et folle,
Que l’oeil croit voir, vêtue en danseuse espagnole,
Apparaître soudain par le trou vif et clair
Que ferait en s’ouvrant une porte de l’air... »15

La vieille domination de l’Espagne sur les Pays-Bas apparaît ici dans le processus même de son évaporation : beau tour de force poétique, qui vaut au poème sa célébrité. Mais le paradigme castillan - et bourguignon - est omniprésent dans la littérature hugolienne sur la jeune Belgique, sur cette vieille route des Flandres qui verra passer bien d’autres armées que celles de Sa Majesté très catholique, et dont rêveront bien d’autres écrivains.
Je résumerais volontiers en disant que la première image politique que construit Victor Hugo de la Belgique, c’est l’Espagne plus une jeune constitution. Le 22 août 1837, près d’Anvers, il rencontre un peuplier désséché à l’entrée d’une bourgade et apprend que c’est un arbre de la constitution ; il ironise sur cette transplantation piteuse de l’arbre symbolique, et de la constitution qu’il représente ; il juge la chose sans avenir. Scepticisme ordinaire, ou orgueil de français chez qui la nation quasiment éternelle transcende les formes ô combien périssables des régimes politiques, et qui ne peut croire à la viabilité d’une nouvelle nation ? Une réflexion sur une inscription lue sur la devanture d’une boutique, à Namur, offre un élément de réponse. « L’épouse Debarsy, négociante. On sent, en lisant ceci, qu’on est dans un pays français hier, étranger aujourd’hui, français demain, où la langue s’altère et se dénature insensiblement, s’écroule par les bords et prend, sous des expressions françaises, de gauches tournures allemandes. »16 Notons au passage « allemandes » pour « flamandes », et la confusion linguistique et géographique qu’elle signifie - c’est toujours du Rhin qu’il s’agit...Mais surtout cette conviction affirmée que l’avenir de la Belgique est français, que le présent n’est qu’un épisode et que la Belgique est moins qu’une nation : une province.
Au milieu du siècle, Victor Hugo voit donc la Belgique comme un pays bourgeois, vivant, où le peuple a sa place, d’autant qu’il est libéré de l’emprise étrangère, où les temps modernes se construisent ; un pays de conciliation et de passage, opposé à la France des crises et des ruptures. Mais il ne croit pas que ce pays soit une véritable nation. Plutôt une sorte de laboratoire provisoire, né des aléas de l’histoire européenne et encore passible de mutations. Or les circonstances vont l’obliger à changer d’avis.

Libertés, nations, Europe

Dès le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, Bruxelles est le lieu du sauvetage, pour Victor Hugo et pour ses manuscrits - les deux grâce à Juliette Drouet - et le travail mental sur l’image subit une modification radicale : l’ailleurs devient familier parce qu’un lieu de séjour est autre chose qu’un but de voyage ; la Belgique prend un sérieux coup de réalité ; elle est ensoleillée de soulagement et de gratitude, et mérite remerciement, ce dont le poète s’acquitte avec grâce. L’asile constitue la Belgique en nation et Victor Hugo rend désormais hommage à ce petit pays neuf et respectable, où s’accordent le droit et la loi, à « ce bon et loyal peuple belge si digne de la liberté et qui saura la conserver comme il a su la conquérir. »17 
Sympathie augmentée par le fait que l’image n’est pas entièrement étrangère. La Belgique est une autre France, dit-il comme beaucoup d’autres, par la langue commune, la proximité géographique et la passion, que moque Hugo comme tous les français, de copier la France. Mais ce poncif de l’imitation, présent dans les écrits d’avant 1848, s’efface devant une différence radicale pour lui entre les deux pays, la liberté, sans laquelle il ne serait pas en Belgique. Au moment du coup d’Etat, la Belgique est presque pour Hugo la vraie France18, d’autant que pour les républicains et libéraux belges avec lui c’est la France qui est à Bruxelles... Pour un grand moment historique, le symbolique coïncide avec le réel. Mais sans jamais effacer l’ombre portée par la France : l’image est toujours double, la petite nation toujours vue dans ses rapports à la grande à laquelle, au moment du coup d’Etat, elle se substitue quand la France n’est plus elle-même.
Or ce sont aussi les années où Victor Hugo construit sa vision de l’Europe. « Nous voulons que le peuple vive, laboure, achète, vende, travaille, parle, aime et pense librement, et qu’il y ait des écoles faisant des citoyens, et qu’il n’y ait plus de princes faisant des mitrailleuses », écrit-il de Bruxelles le 4 septembre 1869 pour ses « concitoyens des Etats-Unis d’Europe » du Congrès de la Paix qui se tient à Lausanne19. Exemple choisi au hasard, entre mille, de ses convictions européennes.
Comment transformer le vieux champ de bataille européen, dont le destin s’est encore joué au début du siècle dans la plaine de Waterloo, en espace de paix et de progrès? Par les Etats-Unis d’Europe, dont Victor Hugo se fait l’un des premiers apôtres, dès 1849. Rome a accompli son rôle historique, l’Angleterre est à l’écart, la Russie lointaine. Le coeur de l’Europe moderne, c’est le Rhin. La nation porteuse de l’universalisme qui permettra d’abattre les frontières et de construire un monde nouveau, c’est la France. Le territoire européen de l’utopie a donc deux centres, le Rhin et Paris. Il peut se construire si la France contient les nations belliqueuses et annexionnistes : vision « patriotique » au sens où l’on l’entendait à Valmy d’une France pacifique, exportatrice de la paix et de la démocratie, unissant l’Europe puis le monde dans la République universelle.
Le problème, c’est que cet idéal dissolvant pour les nationalismes rencontre la revendication nationaliste obstinée, depuis Danton, des frontières naturelles de la France et de la rive gauche du Rhin pour la France. Querelle réactivée en 184020, apaisée par Metternich, réouverte avec les conséquences que l’on sait par l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine. Or Victor Hugo est, et reste partisan des frontières naturelles : c’est dire que la Belgique, incluse dans cette rive gauche, lui paraît devoir retourner à la France. L’idéal universaliste et un nationalisme authentique convergent, d’une manière aujourd’hui impensable, en une logique d’absorption qui, si elle eût abouti, eût été fatale à la petite nation belge. Le Journal d’Adèle Hugo reprend une conversation familiale du 25 octobre 1854 :

« Charles- Il est possible que Bonaparte envahisse la Belgique et mette une armée sur le Rhin.
Mon père- Quoique je n’approuve rien de ce que peut faire ce drôle, pourtant, je trouverais bon que la Belgique soit envahie par la France, conquise par elle, et gardée comme faisant partie de la France.
Charles- Mais les Belges ont leur nationalité et leur droit de patriotes ; s’ils veulent rester Belges et non devenir Français, ils sont dans leur droit.
Mon père- Non. Ils ne doivent pas se refuser à l’agrandissement de la France, qui porte en elle l’idée, la civilisation, le progrès. Ils ne doivent pas se refuser à la nature, qui a assigné la Belgique dans les limites naturelles de la France. La Belgique est à proprement dire un département français comme l’Alsace, comme la Franche-Comté; elle n’a pas plus le droit de se refuser à faire partie de la France que la Franche-Comté ou que l’Alsace. »21

La déclaration, faite en privé, a le mérite de la franchise, et la noirceur de l’ingratitude. Fait de génération, aussi, d’un Hugo qui parlerait comme son père, le général, et pour qui la Belgique serait toujours restée les départements français qu’elle était dans son enfance... Mais pour être parfaitement clair il faut revenir aux termes exacts de la lettre du 26 mai 1871 offrant l’asile aux Communards. Cette façon de déclarer que « La gloire de la Belgique, c’est d’être un asile », que le gouvernement belge a tort de le refuser, que lui, Hugo, est comme toujours « Pro jure contra legem », c’est le discours d’un citoyen belge. « Est-ce que, par hasard, je serais un étranger en Belgique? je ne le crois pas. » Mais l’explication qui suit est essentielle. « Je me sens le frère de tous les hommes et l’hôte de tous les peuples. »22Autrement dit la citoyenneté est, par essence, universelle.
Est-ce à dire que l’image de la Belgique se dissout dans cet universel, que cet ici est n’importe où? Je ne le crois pas. C’est bien à travers la Belgique, seconde patrie, que Victor Hugo a forgé concrètement son expérience de l’altérité et sa pensée universaliste. Cheminement complexe, non exempt de l’ambivalence dévoratrice de la possession, mais qui montre aussi ce qu’à travers son grand homme la France doit à la Belgique.

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